Le Monde de Toril

Nodem et Sudja

Page rédigée par Tam

Portrait de Nodem et Sudja, par Nod lui-même

Je me présente, je m'appelle Nodem et Sudja, mais mes amis, si tant est que j'en aie vraiment, ont le droit de m'appeler Nod. Il faut aussi dire que ça va plus vite pour s'interpeller au milieu des cris et des batailles, quoiqu'en général, je préfère ne pas même laisser ces quelques secondes de répits à mes adversaires, et j'aime quand les batailles se déroulent dans l'ombre, en toute intimité, et en toute discrétion. Et oui, je suis un assassin, un assassin psioniste, mais tous pensent que je suis un voleur, une profession... bien plus honorable, il va sans dire. Il n'est pas très sain, quand on a une carrière comme la mienne, d'avoir tous ses oeufs dans le même panier, il vaut mieux s'assurer quelque ressource. Un bref portrait semble s'imposer ? Soit.

Je suis un mâle, et je revendique fièrement ce statut. Dommage qu'avec mon charisme de cuillère, je ne puisse persuader plus de femmes de céder à mes charmes, je me verrais bien répandre une horde de Nod sur cette misérable terre. Peut-être un jour ? Quoique, pour être honnête, je ne suis pas non plus un laideron, je suis, dans la moyenne dirait-on, ça aide à passer inaperçu. Grand, 1 mètre 80, d'ossature et de stature fine, j'ai des cheveux noirs comme le fond de culotte de la nuit, des cheveux que j'ai choisi de garder longs, ça cache mieux les traits du visage. J'ai deux fines nattes qui tombent devant mes oreilles pointues, encadrées par une frange lionne et rebelle, coupée un peu à la sauvage, il est vrai. Quand au restant de mes cheveux, qui me tombent bien en dessous des omoplates, je les noue en une lourde tresse qui me balaie le dos. Je suis surtout particulièrement fier de mes yeux. En amende, j'aime leur couleur violette assez unique, des yeux de chat. Malgré les affres de l'aventure, je tente tout de même de me soigner, et puis, je ne suis pas un barbare voyons. Mes mains sont manucurées autant que les circonstances me le permettent, et je déteste avoir une tenue sale ou en désordre. Et surtout j'aime le noir, j'aime la nuit, ça me simplifie la vie. Je suis tout de noir vêtu, une tunique souple et suffisamment ample pour qu'elle ne gêne en rien tout mouvement susceptible de me convenir, et puis il faut qu'elle ait beaucoup de poches. Cependant j'aime aussi que ma silhouette soit mise en valeur, et je mets un peu de coquetterie à soigner mes longues cuissardes, noires, elles aussi.

Le seul signe qui soit vraiment distinctif, est que je sois un Tiefling, mi homme, mi démon. Mais la nature a été clémente avec moi, et les traces de cette hérédité sont discrètes. J'ai de belles et longues canines rétractiles. Sont-elles la cause ou la conséquence ? Cruel dilemme. Le fait est que j'adore mordre, j'aime les gorges, celles des femmes bien sûr, mais plus encore celles de mes ennemis ! Quant à mes branchies, bien qu'inutiles, elles me plaisent, elles me distinguent, et il faudrait que j'accorde beaucoup d'intimité à une personne pour que celle-ci puisse les détecter, bien cachées qu'elles sont sous ma lourde chevelure. Or il s'avère que si certains n'embrassent pas, je ne laisse personne, pas même mes amantes, me passer la main dans les cheveux, ce serait... comme salissant. Naturellement, ma nature véritable et mon métier sont deux choses que je me garde bien d'ébruiter. Et à choisir des deux, je préfère encore avouer que je suis mi démon, cela risquerait moins de me coûter ma peau !

Comment en suis-je arrivé là ? Vous croyez que j'ai eu une vie misérable et un destin tragique, qui m'ont poussé dans les bras du mal, si séduisant ? Eh bien, le mal est séduisant, certes, c'est un fait. Et, du plus loin que je me souvienne, j'ai toujours ressenti beaucoup de bien être à me faire bercer de ses bras rudes. Je suis né de la jalousie folle et furieuse de ma génitrice. Cette femme ne supportait pas que son époux s'approche à moins de 10 mètre d'un quelconque élément féminin, quel qu'il soit. Qu'il s'agisse d'une vieille femme édentée, d'un laideron repoussant, d'une fillette, à partir du moment à cet élément était féminin, et où son époux, ne serait-ce qu'à distance, faisait mine de se rendre compte que cet élément existait, elle rentrait dans une rage épouvantable (mais jamais publique) une rage pernicieuse, vicieuses, secondée par une intelligence sûre, quoique troublée, et qui n'a fait que s'étendre en violence les années passant. Ma génitrice était capable de tout, ou presque, ce qui me fait penser qu'au lieu de son mari, elle aurait mieux fait de rester aux côtés de mon géniteur. Pourquoi une telle jalousie ? Ma génitrice était une belle femme, et comme je l'ai dit, très intelligente. Trop peut-être ? Mais sa folie, que mon "père" a d'abord pris pour de la spontanéité, a tout corrodé. Et un soir, que son époux jouait aux cartes avec la toute jeune soeur de son épouse, une gamine de 7 ans, née très tardivement et de ce fait un peu ralentie des deux yeux, ma génitrice a piquée une de ses rages silencieuses, les pires, et s'en est allée se saouler en ville. Cette attitude ne lui était pas familière. Mais ruminer sa hargne au fond d'une timbale de bière frelatée, assise au milieu du tumulte du pire des bouges de la ville, l'aidait à concocter ses plans les plus machiavéliques.

Or, ce soir là, ma génitrice fit la rencontre d'un mâle au charisme duquel il lui était d'autant plus dur de résister, qu'elle avait vraiment réussit à concocter un plan diabolique, et quasiment parfait, et du coup, elle ne voyait même plus le fond de son godet. Bien sûr, elle n'était pas en état de se rendre compte que ce mâle était en fait un démon, qui n'avait d'autre but que d'essaimer sa semence jusqu'à ce qu'il puisse se concocter une petite phalange de clones démoniaques. Quand ma génitrice s'est réveillée le lendemain, avec une armée de nains hargneux sous le chignon, elle n'était même plus capable de se rappeler pourquoi elle avait bu. Ça valait bien la peine tient ! Remarquez, c'était une chance pour mon "père", qui a pu prolonger ainsi quelque peu sa vie. Et quelle surprise pour tous quand je suis arrivé sur cette terre quelques mois après ! Ma génitrice était choquée d'accoucher, elle ne se souvenait même pas d'avoir été touchée par un homme depuis plusieurs années. Sa folie a réglé le problème : elle avait été choisie par je ne sais quel Dieu pour porter son Messie. C'est d'ailleurs de là que me vient mon nom : Nodem et Sudjas, anagramme de Démon et Judas, avait-elle eu un éclair de génie à cet instant ? Ou une prémonition ? Qui sait. Pour mon "père", homme bon, profondément calme et surtout très philosophe, il y voyait sa chance d'avoir tout de même de la descendance, malgré la raideur de son épouse. Pour le reste de la famille, tout le monde a préféré faire semblant de rien, une attitude veule, mais assez typique de la bourgeoisie standard de tous les pays. Car il faut bien avouer que je ne ressemblais à rien ni à personne, pas même à mon géniteur, qui du coup a hurlé de rage, ne m'estimant pas digne de mes... nobles origines, et me laissant aux bons soins de ces misérables humains.

Et donc voilà Nod, entouré de tout le luxe et de toutes les facilités de la bourgeoisie d'affaire. Une pelure discrète en tout temps, qui se fait invisible, introvertie au point que la plupart se sont demandés si je n'avais pas des araignées au plafond. Jamais plus de 10 mots à suivre, une pelure à l'air benêt, à l'oeil torve et amorphe, bref, une chose dont on n'a pas trop à s'occuper, situation qui me convenait parfaitement, et me laissait toutes libertés. Jamais personne n'a remarqué mon goût du secret, ma curiosité sans bornes, ma vélocité au sein des ombres, mon amour de la nuit, mon goût du sang, et plus que tout... ma réelle hérédité. J'ai passé mes premières années à me faire sous-estimer, afin de pouvoir laisser libre cours à mon péché mignon : le mal. Mais ce qui a finalement décidé de ma carrière, c'était l'ennui. Bon, ben quoi, tout le monde peut s'ennuyer. La solitude c'est bien, et pratique, mais au bout de 13 ans, on se lasse un peu. Alors je me suis dit que je pourrais essayer de faire un peu de ménage. Tante Mygale me tapait vraiment sur les nerfs. Cette vieille rombière mielleuse ne trouvait jamais rien de mieux à faire, quand elle me voyait, que de me pincer (et fort en plus) les joues, et ce, à chaque fois qu'elle me voyait, parlant de moi comme si je n'étais pas là, s'apitoyant sur ma pauvre condition, puis venait le tour des oreilles, qu'il fallait tirer, et ainsi de suite. Une horreur ! Je me suis donc dit que je me devais de lui jouer un petit tour, à ma façon. Une nuit, j'ai filé en douce par les toits, me suis glissé dans l'écurie, ai sellé rapidement et silencieusement un bel étalon aussi noir que la nuit, et me suis rendu en grande hâte au domaine de tante Mygale. Là ça n'a pas été un exploit de me glisser dans sa chambre à coucher. Puis j'ai délicatement laissé filer au fond de son lit le beau serpent multicolore que j'avais capturé peu de temps auparavant dans la forêt. Et essayant de ne pas ricaner trop fort en imaginant sa tête au réveil, je suis joyeusement retourné au fond de mon lit pour y dormir du sommeil du juste. Le lendemain toute la maisonnée était en émoi : tante Mygale, n'ayant rien trouvé de plus chaud à se mettre sous la dent, a eu l'idée stupide et désastreuse de serrer à mort ce pauvre serpent, qui paniqué, lui a tellement troué le visage qu'elle aurait fait un excellent portoir pour flèches. En plus sans le savoir, j'ai mis la main sur le serpent le plus venimeux et le plus rare possible à 600 kilomètres à la ronde. Quelle merveille! Mon premier meurtre! Pas très maîtrisé, d'accord! Mais quelle joie! Quelle aventure, quel plaisir! Et depuis là, la joie de vivre a rempli mon coeur!

Ma véritable formation a débuté de manière assez inattendue. Un soir d'hiver, par une nuit sans lune, je m'exerçais tranquillement à égorger sur de misérables loqueteux de rue, quand j'ai entendu un ricanement moqueur dans mon dos. Cet homme s'appelait Corbeau, et tenait beaucoup de cet oiseau. Vif et froid comme de la glace, rien ne pénétrait son regard, mortel comme la peste, jamais je n'aurais osé rêver à un meilleur mentor ! Bon, sur le coup son ricanement m'a mis un peu en rage, mais quand il s'est approché de moi, a saisi ma main dans la sienne, afin de me montrer quel geste exactement il faut faire pour être au maximum de l'efficacité, j'ai compris qu'il était de mon intérêt de me faire... disons, adopter. Et c'est ainsi à 14 ans qu'a commencé ma double vie. La journée, un pâle rebut de l'humanité, la nuit, toujours un rebut de l'humanité, en un peu plus efficace. Corbeau m'a fait entrer dans la guilde du féroce Anthracite. Anthracite était un redoutable démon, au caractère épouvantable. Mais quel panache! Et le pire, c'est qu'il a osé essaimer! Corbeau et moi, nous étions parmi les premiers membres des Yeux de feu. Anthracite venait tout nouvellement de décider de se mettre à son compte. Il avait rencontré Corbeau lors d'une virée au plus miteux bordel du fond du bouge. Ils se sont battus pour la même femme, bon, il y en avait d'autres d'accord, et des mieux en plus, mais aucun ne voulait lâcher le morceau, un point c'est tout. Et après quelques coups bas, ils se sont reconnus des affinités professionnelles, et sont allez celer cette fraîche et prometteuse amitié en vidant quelques tonneaux de bière. Puis, Corbeau m'a recruté. Les années passant, mes talents s'affinant et se développant, j'ai naturellement pris du grade au sein de la guilde. Et puis, en général, dans notre profession, si on ne reçoit pas le grade convoité, il suffit de s'arranger pour se faire un peu de place. C'est partout la même chose en fin de compte.

Comme je l'ai dit, notre fameuse guilde était dirigée par le puissant et retors Anthracite, expert en vol et en assassinat. Anthracite n'avait pas vraiment la fibre familiale, mais comme tout démon et tout mâle qui se respecte, avoir une descendance à former pour assurer sa succession lui était important. Et il aurait pu y parvenir, s'il n'avait pas gardé Maynir dans ses pattes, ou s'il l'avait du moins dominé. Maynir était sa compagne, mais aussi une Tiefling d'une rare intelligence, une guerrière émérite, et la détentrice de nombreux secrets, dont celui de la fameuse épée Ylwendyl. Anthracite a fait faire deux enfants à Maynir, une fille, Onyx, et un fils, Ambre. Alors que j'avais à peine plus de 16 ans, Anthracite a décidé d'introniser sa progéniture dans la guilde. Cela ne me dérangeait pas autrement. Je conservais mon mentor, Corbeau, pour moi seul, et continuait à bénéficier des conseils avisés d'Anthracite. Et puis, bon, avouons qu'Onyx n'était pas si laide pour une Tiefling. J'en ai vu de bien plus intéressante, mais elle était costaude, avec son hérédité, et puis, moi qui voulais essaimer, il me fallait bien commencer à quelque part. Qui plus est, devenir le beau-fils d'Anthracite ne pouvait nuire à mon ambition. Sans me venter, j'ai eu très rapidement d'excellentes chances de parvenir à mes fins en ce qui concerne Onyx. Manque de chance, Anthracite ne tenait pas sa femelle en laisse. Maynir trouvait sa fille trop insouciante, et elle voyait ma cour d'un très mauvais oeil. Elle ne m'avait jamais apprécié il faut dire. Elle estimait que sa fille avait droit à bien mieux qu'à une pâle copie (selon elle) de son géniteur! La garce! Maynir a confié Onyx à la garde et aux bons soins d'Albion, un puissant démon, un psioniste redoutable. Albion a pris son rôle très au sérieux, et depuis là il m'a été pratiquement impossible d'approcher Onyx, et encore moins de me retrouver seule avec elle. De dépit je suis allé voir Corbeau, et lui ai relaté mes frustrations. Corbeau a ricané doucement, et m'a dit que, s'il ne s'agissait que d'un savoir que l'on mettait hors de ma portée, c'est un problème auquel il pourrait remédier. Quant à Onyx, et bien, Corbeau m'a surtout encouragé à tenter une autre approche. Elle avait un frère, non ? En fait, ce que personne, à part peut-être Anthracite, et maintenant moi, ne savait, c'est que Corbeau, outre ses dons de voleurs et d'assassin, était un psioniste, inconnu mais redoutable. Cette aptitude, il l'a toujours volontairement gardée secrète. C'était un homme d'une sagesse exceptionnelle, et je suis assez fier de dire qu'il m'a depuis le début porté beaucoup d'amitié. Ou disons, ce qui s'en rapproche le plus entre deux assassins professionnels : cette sorte de respect qui mène à l'appréciation et à la reconnaissance mutuelle. C'est Corbeau qui m'a fait comprendre l'importance d'avoir plusieurs cordes à son arc, surtout si l'on espère atteindre un âge suffisamment avancé pour profiter de ses méfaits. Et Corbeau était d'un âge vénérable, eut égard à sa nature humaine, et à ses activités!

Parallèlement à Onyx donc, j'ai appris à maîtriser et à développer mes dons de psioniste, tout en me rapprochant d'Ambre et de ses compères. Un de ceux qui gravitait autour de ce groupe se nommait Erkran. Je n'ai jamais vraiment compris pourquoi cet être m'avait attiré, il n'avait pourtant rien de si exceptionnel, mais n'était pas médiocre non plus. Je ne sais, je ne me suis jamais compris sur ce point là. Il était assez nouveau dans la guilde, et était à la recherche d'un maître. Corbeau pensait que d'avoir à enseigner mes propres techniques à un novice ne pouvait que m'obliger à me perfectionner moi-même, et à traquer inlassablement toutes les plus petites erreurs ou inexactitudes que je pouvais commettre. Il m'a donc fortement poussé à me proposer comme mentor pour Erkran, ce qui arrangeait bien Anthracite, et toute la guilde d'ailleurs, parce que ce type n'inspirait pas vraiment les autres gars. Me voilà donc promu maître et... élève en même temps. Quelle ironie ! J'ai pris le temps de transmettre à Erkran la plus grande partie de mon savoir. Il était assez doué pour que je n'aie pas à m'arracher les cheveux à tout devoir lui expliquer 666 fois les choses, mais il montrait tout de même plus de prédispositions pour psionisme que pour tout le reste. Il savait taper, pas très gracieusement, il savait tuer, pas très rapidement. Cela ne me semblait pas très engageant pour son avenir, surtout au sein d'une telle compagnie, mais c'était à lui de voir. J'étais peut-être son maître, mais pas encore sa nounou ! Par contre, niveau espionnage et fourberie, même moi n'avait rien à lui apprendre dans ce domaine. C'était proprement inné chez lui. Si encore je l'avais perçu plus vite!

Et est arrivé un temps où la guilde s'est trouvée en délicate posture. Nous avions été tant et si bien efficaces depuis notre association, que nous nous sommes retrouvés en manque cruel de contrats, faute de cibles. Anthracite ne s'embêtant pas de telles considérations, il a simplement décidé de changer de pied à terre. Il était temps pour moi d?en terminer avec mon artifice de jour, et de me faire, disons, disparaître. En d'autres mots, il était enfin temps que je me débarrasse de ma chère et tendre famille, histoire d'avoir les coudées franches. Avec Corbeau, nous avons pensé à nous offrir le luxe d'un dernier coup, si possible bien fumant. Une sorte d'adieu ! Nous avons songé à nous débarrasser de quelque riche marchand, mais comment s'emparer de son or ? Il reviendrait de toutes façons à ses héritiers, quoi que... Et une lumineuse idée m'a, sous l'effet du choc, fait offrir à mon mentor mon plus beau sourire... oups, toutes canines dehors! Zut!
Et oui, il se trouve qu'il y avait par exemple oncle la Poisse, l'heureux veuf de tante Mygale, qui n'était pas tout jeune et surtout, sans descendance. Bon, avec une épouse pareille, on va s'étonner! Je crois d'ailleurs qu'elle est morte à un âge avancé et... pucelle en prime ! Et puis moi, son cher et tendre et pauvre neveu, sans ressource, désarmé face aux misères de ce monde, quelle cruauté! Et surtout, j'étais son seul neveu! Et puis il n'était plus si jeune que ça... Mon idée a plu à Corbeau, et il a été entendu qu'avec son aide, je tâcherai de perfectionner ma discrétion, chose parfois aussi utile. Nous partagerions la dot comme suit, un tiers pour Corbeau, et deux tiers pour mes sacoches personnelles. Après tout, c'est moi qui me tapait le gros du boulot, et en plus, non content qu'il s'agisse de ma famille, il s'agissait surtout aussi de mon idée. Tout était parfaitement bien rôdé, organisé, planifié. Mais il y a eu un os. Il y a toujours un os, et toujours là où on ne l'attend pas. Il a fallu que vienne Erkran. Bon, son style était grossier et sans grande intelligence. Il ne serait jamais un assassin de haut vol, il lui manquait trop de.... Comment dire, il n'était pas assez inspiré, ni prévoyant, il ne réfléchissait pas aux implications de chacun de ses actes, c'était un bon soldat, mais sans plus. Un soldat qui pouvait s'avérer sournois, et dont le plus gros défaut était que son intelligence n'arrivait pas à hauteur de sa curiosité. Il eut vent de quelque chose entre Corbeau et moi, et nous suivit la nuit fatidique. Ce gros malin, excellent psioniste mais assassin manquant d'expérience, ne trouva rien de plus intelligent que de tuer une servante, et de la laisser plantée au beau milieu du chemin. Bien sûr le major d'homme a trouvé la morte, a prévenu discrètement mais efficacement la garde, qui s'est ruée vers les appartements de leur maître, comme de droit. Erkran, cette lopette, a naturellement paniqué, a couru comme un dératé jusqu'à la chambre de mon oncle, s'est pris les pieds dans le tapis et m'a lourdement atterri sur le dos alors que je m'apprêtais à griffer légèrement le bras de ma charmante victime. Une calamité n'arrivant jamais seul, oncle La Poisse s'est réveillé, a hurlé nous voyant affalés sur lui, à moins que ce soit à mon regard que ses cheveux se soient dressés sur sa tête, et il a eu tant et si peur qu'il a commencé à suffoquer. Sur cette entrefaite, les premiers soldats ont déboulés dans la chambre, dont le capitaine de la garde, qui, manque de chance, me connaissait assez bien pour reconnaître sans doute possible au moins une des deux formes qui bataillait dans ces draps souillés. Le résultat de la soirée s'est avéré fort peu brillant en fin de compte. Oncle la Poisse est décédé, d'une attaque, sans que je lui ai même rien fait, je n'en ai pas eu le temps, grrr, et pourtant j'étais chassé dans toute la ville pour assassinat. J'étais grillé, aussi je me suis réfugié au sein de la guilde, ne sortant plus que la nuit. Corbeau s'en est un peu voulu, et à mis un point d'honneur à perfectionner mes aptitudes. Surtout, il a fallu tout le poids moral et mortel d'Anthracite pour que je n'égorge par Erkran avec mes dents. Et il a fallu toute la sournoiserie de Corbeau pour que je termine tout de même sa formation, avant de le refiler, avec le plus grand des plaisirs et un peu de sadisme, aux bons soins d'Albion. D'ailleurs, à ce que j'ai compris par la suite, les tensions sont allées crescendo entre Onyx et lui, et Albion a eu bien du mal à maintenir un semblant d'ordre.
Cependant mes pulsions meurtrières n'ont fait que s'accroître. La guilde m'étouffait. Trop peu d'action, trop peu de sang. Cette histoire compliquait lourdement le déménagement de la guilde, et moi j'avais surtout besoin d'air. Et puis un jour, je ruminais de noirs tourbillons au sommet d'un toit, seul, et j'ai aperçu au milieu de la rue un visage familier, un visage que j'avais vu au sein de la guilde, un visage que je connaissais bien. Et aux vues de mes dispositions psychologiques du moment, ce visage souriant qui pouvait se balader tranquillement dans la rue et faire ses emplettes sans être inquiété, a fait bouillir en moi toutes les pulsions de mort possibles et imaginables, j'avais tellement envie de la tuer, Onyx! Et tant pis pour les petits Nod! C'est furieux et fébrile que je suis rentré à la guilde. Mais cette fois la chance était avec moi. Engouffré dans un état d'esprit belliqueux qui me dévorait, je me suis précipité à la recherche de Corbeau. Et je suis tombé, au sens très littéral du terme, sur Anthracite, dont l'humeur ne valait guère mieux que la mienne! La collision à vraiment fait des étincelles ! Anthracite venait d'apprendre que Maynir avait un amant, et un céleste en plus! Quel affront ! Et comment avait-elle osé se servir de lui? Sa rage englobait aussi cette chère et tendre Onyx, qui depuis quelques années tendait un peu trop à ressembler à sa chère maman... Anthracite a compris, à mon regard, que nos pensée pouvaient se rejoindre, et c'est son sourire le plus carnassier qu'il m'a offert ce jour là. Nous nous sommes éloignés pour discuter tranquillement de diverses options pouvant nous satisfaire tous deux. Je voulais la peau d'Onyx, et Anthracite voulait celle de Maynir... Et si Onyx disparaissait en même temps, qu'y faire? L'attaque a été planifiée et les détails mis en place, tout était prêt! Tout était prévu... sauf l'imprévisible. Décidément, la vie n'était pas un long fleuve tranquille!

Anthracite devait attaquer Onyx de front, et moi, me servir des ombres pour en terminer rapidement et efficacement avec elle. Puis, je laissais le soin à Anthracite d'assouvir ses ardeurs sur Maynir. Mais voilà, Ambre venait de rentrer de mission, et c'est à moi et à personne d'autre qu'il voulait parler en premier. J'étais en route pour prendre Onyx à revers, je ne devais pas me trouver trop tôt dans le salon d'Anthracite, auquel cas elle aurait pu sentir ma présence, et tout aurait foiré. Et c'est justement dans le corridor y menant qu'Ambre m'est tombé, très lourdement, sur le dos. Impossible de le décoller! Il voulait à tout pris tout m'expliquer de sa rencontre avec le frère d'Albion (il savait quelle haine je lui vouais), Arkos, il devait me raconter son histoire, m'expliquer ses faiblesses, il comptait ainsi que j'aie une dette envers lui, une dette qu'il n'aurait pas manqué de me rappeler tôt ou tard... et avec Ambre, ce genre de chose se réglaient en général assez tôt ! J'ai bien essayé de lui faire comprendre que j'avais un travail urgent et très important à accomplir, que l'on pouvait en reparler dans une heure, mais sa fébrilité le rendait sourd à toute autre chose qu'à ses propres mots. Je pense qu'il avait un urgent besoin de moi et de mes compétences, et que ce n'était pas une histoire sans risque, sinon, pourquoi tant d'insistance et d'immédiateté? Quand j'ai enfin pu lui faire comprendre qu'il se passait quelque chose de grave dans l'appartement d'Anthracite, Ambre s'est soudain retrouvé soucieux, et a exigé de me suivre.

Ainsi que je le craignais, nous arrivions trop tard. Anthracite gisait, la tête très éloignée du reste de son corps. Je savais qu'Onyx y était mêlée, et pour cause, et je me doutais bien que Maynir y avait pris part, mais je ne connaissais pas les détails. Je suis alors entré dans une rage folle! Ma haine se retrouvait sans exutoire, et notre guilde était décapitée, et tout ça à cause des fadaises de ce foutu gamin pourri et gâté d'Ambre! J'étais à deux doigts de le liquider sur place... Heureusement, Corbeau était là lui aussi. Je crois qu'il a deviné bien plus de choses qu'il n'en fallait, mais au niveau professionnel, je savais pouvoir lui faire confiance. Ambre s'est mis dans une rage aveugle et sanglante, il a commencé à tout ravager autour de lui! Pour je ne sais quelle raison, cet imbécile égocentrique, ce minable, s'est mis en tête que c'était de ma faute! Quel culot! C'est bien à lui-même qu'il devait en vouloir! Mais je n'étais pas assez fou pour le lui dire, pas maintenant en tous cas. Il ne trouvait pas d'autre coupable sur le coup, alors, c'était pour Nod! Je n'en ai réchappé que grâce à l'aide de Corbeau ! J'ai dû fuir la ville, fuir la guilde. Pendant la débandade, j'ai aperçu du coin de l'oeil ce fourbe d'Erkran. Il avait un sourire qui lui mangeait le visage au point qu'on ne voyait même plus ses oreilles ! J'ai alors instinctivement compris, qu'une fois de plus ce salopard avait espionné dans mon ombre, et je sentais que les informations d'Ambre n'étaient pas tombées dans l'oreille d'un sourd. De fait. Onyx avait littéralement écrasé Erkran lors des examens finaux imposés par Albion. Et la grande faiblesse de cet homme, c'était clairement une fierté démesurée et un égocentrisme à toute épreuve! J'avais l'intime conviction qu'il allait de ce pas chercher quelque fourberie supplémentaire auprès d'Arkos... Sa hargne contre Albion n'avait d'égale que la mienne, et la vengeance est un plat qui se mange froid.

En fin de compte, cette débandade n'était peut-être pas la plus mauvaise chose qui puisse m'arriver, j'avais de plus grandes ambitions, il me fallait de l'espace, un terrain de jeu plus grand, plus difficile à conquérir, plus aventureux. Je suis donc allé flâner de par le monde. Ma subsistance m'a toujours été assurée par mes talents. Je satisfaisais discrètement, mais sûrement mon goût du sang, je cherchais une place intéressante où m'établir, quelques contacts potentiels qui puissent me servir un jour. Et puis une nuit, en rêve, une femme m'est apparue. Elle m'a fait une proposition que l'on ne peut refuser! Onyx, mon plus grand échec, ma honte! Elle me proposait le soutient de ses ressources et une récompense plus que substantielle, et surtout, elle me promettait du sang et de l'action, et Onyx en prime! Mon devoir était de m'incruster très, très discrètement dans son groupe. D'une part, cette femme, la putrissime Lys, avait besoin de renseignements, d'autre part, elle avait besoin de moi pour retrouver un artefact. Et elle m'a promis, une fois cette mission accomplie, toute liberté vis-à-vis d'Onyx... Comment refuser? Et après Onyx, ou avant, qui sait, il y aura aussi Ambre, et peut-être Erkran, si nos chemins se recroisent. Et c'est ainsi que je me suis que je me suis embarqué sur ce navire miteux, et que Lys a tout mis en place pour que nos routes se croisent... Et que l'aventure commence !

Nod
Nod, vu par Aquilegia