Vitek ouvrit les yeux. Il faisait très sombre, et il était assis sur un sol de pierre dur, et maintenant humide, attaché par des fers aux poignets et aux chevilles. Son jean ne l'isolait pas du froid, et il était torse nu. Il sentait une forte présence d'Orichalque, qui lui mettait le coeur au bord des lèvres. Il frissonna. Un garde devant lui tenait un seau qui avait dû contenir de l'eau, et qu'il lui avait jeté à la figure pour le réveiller. Le Nephilim cligna des yeux, il ne pouvait pas s'essuyer le visage, les fers maintenaient ses bras en l'air, en croix. Il gratifia le garde de son regard le plus torve, et l'autre, en guise de réponse, avança un petit écran. La figure du chef d'IRIS apparut.

« Oh, un bouffon. »

L'autre railla. « Vous allez perdre votre superbe. Mais pour l'instant, ce qui nous intéresse, c'est la personne qui vous accompagnait.

- Je vous répondrais bien, mais ma main ne peut pas passer devant la cam de votre petit appareil pour vous exprimer ma pensée profonde.

- Nous arriverons à vous faire parler. »

L'écran s'éteignit. Le garde fit volte face, et s'éloigna après avoir refermé la cellule à clef – en guise de mur, elle avait une simple grille. L'endroit ressemblait à une sorte de vieux donjon. Les pas du garde résonnaient.

« Hé! Où sont les chiottes? On bouffe quand? Le service laisse à désirer ici! Envoyez-moi une femme de chambre! »

Vitek cria jusqu'à ce que les bruits de pas aient définitivement cessé. Alors il examina les lieux, du moins ce qu'il pouvait, et tira sur ses chaînes, du plus fort qu'il put. Il se concentra, pour essayer de voir les Champs Magiques, mais l'Orichalque obscurcissait ses perceptions. Lancer un sort était tout simplement impossible. Le Nephilim savait que cet Orichalque le rendrait fou. Et pourquoi diable voulaient-ils des informations sur Héléna? Depuis quand les intéressait-elle? En tous cas, cela signifiait qu'elle leur avait échappé... Il s'escrima de plus belle contre ses chaînes.

« J'ai déjà essayé. »

L'Onirim leva la tête, et relâcha son effort. Il connaissait cette voix.

Un mouvement attira son attention, en face, dans une autre cellule, dont il pouvait apercevoir le contenu à travers les grilles. Un petit homme était assis, entravé lui aussi, en caleçon sale. La faible lumière venant du plafond permit à Vitek de voir que l'autre était blessé, maigre, et quand il tourna son visage vers lui, l'Onirim eut un hoquet en reconnaissant Artémus. Mais un Artémus bien différent de la dernière fois où il l'avait vu. Une ombre d'Artémus, un souvenir, une idée. Écorchée vive.

« Moi aussi, ils ont essayé de me faire parler, sourit le Faërim.

- Et... vous avez parlé?

- Non. »

Vitek poussa un soupir. Il inspira, se concentra, tentant d'ignorer la lancinante présence du Métal Honni.

« Ça n'aurait pas dû se passer comme ça, continua Artémus.

- Bien sûr. Vos petits plans ne se sont pas passé comme prévu?

- Nous sommes dans le même bateau, ne pouvons-nous pas enterrer la hache de guerre? »

Vitek se tut. Il tira de nouveau sur ses chaînes. Enterrer la hache de guerre? Comme si cette hache avait la moindre importance, maintenant. Il était un Nephilim mort, et il le savait. Toute la question était de savoir combien de souffrance on lui ferait endurer avant de le tuer. Il aurait dû cacher sa Stase, ne pas la porter sur lui. Maintenant, Iris l'avais, lui, mais elle avait aussi sa Stase. Le moyen de le tuer instantanément. De l'enfermer. De le réduire. Il ne pouvait pas, ne devait pas, quitter son Simulacre.

Il hurla de rage, pour masquer sa panique. La seule chose qu'il avait voulue, c'était retrouver sa mémoire, et quitter ce putain de Monde qui ne voulait pas de lui. Rejoindre le Voor. L'espace. Partir. Laisser là les Humains, les Arcanes, et partir avec ceux qui étaient intéressé par le voyage. Juste le voyage, la découverte, et la paix.

« De toutes façons, vous allez être content, vous allez revoir un ami. »

La voix d'Artémus le ramena à la réalité. Le cachot. L'Orichalque qui l'agaçait comme du sel sur une plaie, lui montait à la tête.

« Qui? Que voulez-vous dire?

- Vous le saurez bien assez tôt... »

Vitek explosa. Il haïssait Artémus pour ça. « Ne pourriez-vous pas, une seule fois dans votre vie, cesser vos manigances, vos sournoiseries, et me dire de qui il s'agit, pour que je puisse au moins me préparer mentalement?

- Kroenen. »

Vitek hurla.

De nouveau. Jusqu'à ce que sa voix se brise par défaut d'air. Il inspira et un long frisson le parcourut. Attaque de labo, mon cul! Ses petits copains sont venus le chercher, l'amener à leur base! La taupe enfin se révèle!

« C'est peut-être un agent-double, dit Artémus. Ce serait un espoir. De toutes façons, le mieux pour rester en vie, et entier, c'est de conserver pour nous les informations qu'ils désirent. »

Vitek ne répondit pas. Conserver les informations? Combien de temps le pourrait-il?