Les gardes saluèrent Hicele avec une lueur d'admiration dans le regard. Je ne sais cependant s'il s'en aperçu, car il était de nouveau sombre et plongé dans ses pensées. Au premier officier que l'on rencontra, il demanda sans ambages « Des nouvelles de Dame Elvetia ?
- Je l'ignore, messire. Mais vous en apprendrez peut-être lors du banquet donné en votre honneur ce soir...
- En notre honneur? Mais nous n'avons rien fait qui puisse servir au pays! »grommela Hicele en s'éloignant à logues enjambées.
Des pages vinrent nous conduire jusqu'à nos appartements. Je me sentais lasse et sale. Ma dernière toilette remontait à celle que j'avais effectuée au lac d'eau chaude, et il me semblait que c'était des mois auparavant. Comme Vayçal me regardait d'un air dubitatif, se demandant manifestement s'il devait m'accompagner à ma chambre, je lui donnais rendez vous au banquet, et emboîtait le pas au petit page à la livrée rutilante qui m'attendait patiemment.
Une fois arrivés à ma chambre, je lui demandais de me ramener un cuvette d'eau chaude. Il faisait bon dans la pièce. J'avais un peu l'impression de rentrer chez moi. Nous disposons pratiquement toujours des mêmes appartements dans le château, et y revenir si souvent finit par rendre le lieu familier, et chaleureux pour le calme qu'il apporte entre deux quêtes échevellées.
J'ôtais mes bottes crasseuses, et me lavais les mains et le visage dans la cuvette posée sur le coffre. La tête que je vis dans le miroir me fit éclater de rire. De longues traces de poussière en travers des joues, les cheveux jaunâtres, à la fois en bataille et collés par des restes de boue. A l'aide d'un peigne, je tentais de les démêler, ce qui me fit grimacer devant la glace. Je les coiffe généralement en une queue assez lâche, et cela a pour conséquence de les laisser s'emmêler facilement. On frappa à la porte, et le page entra en portant une bassine émaillée aux motifs aériens, pleine d'eau chaude et parfumée. Il m'apparut vite que je ne pourrais rien y faire, le simple fait de me laver le visage laissa dans l'au limpide un nuage de limon. Je décidai donc de me rendre directement au quartier des bains, en bénissant le légendaire amour de la propreté des elfes.
Un tour dans un bain d'eau chaude et dans un sauna me rendit nettement plus présentable. À l'aide d'un peu d'huile, je lissai mes cheveux une fois revenue à ma chambre, les attachai encore mouillés en un chignon serré pour la soirée, et y glissait un brin de primevère bleue chapardée dans le bac devant ma fenêtre. J'enfilai ensuite une longue toge sombre à l'encolure brodée d'argent, que je trouvai dans l'armoire. Je savais bien qu'il s'agissait d'un « prêt » pour le banquet et ne pu m'empêcher de sourire. Elle était néanmoins à ma taille et dépourvue de manches comme je l'aimais.
Je retrouvai mes compagnons dans la salle de fête. Des guirlandes étaient accrochées un peu partout en l'honneur du fils d'Eryn et de sa troupe. Vayçal se matérialisa à mes côté des que je franchis la porte. J'ignore depuis combien de temps il m'attendait.
Tous étaient vêtus de frais et paraissaient plus reposé, bien que nous n'eussions pas eu le temps de dormir. Dalael était vêtue d'un longue robe argentée un peu transparente, ses longs cheveux blonds flottant dans son dos, retenus par un simple peigne d'argent sur la tempe. Hicele portait un pourpoint aux couleurs de la guilde des Chantelameurs, arborant un loup d'argent sur fond d'azur. Il gardait une mine fermée malgré la chaleur des visages autour de nous, qui ne cachaient rien de leur admiration envers lui. Block discutait avec une dame qui gloussait comme une poule devant un tel étalage de muscles, et Elwin se tenait au coin du feu, le regard perdu dans les flammes.
Le repas fut long, comme il se doit, mais suffisamment animé, avec son cortège de troubadours, jongleurs et conteurs, pour m'empêcher de piquer du nez dans mon assiette.
Lorsque je revins dans ma chambre, accompagnée jusqu'à ma porte par Vayçal, des chants elfiques mélancoliques achevaient la soirée.