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1-3 Et dans la nature?

Dans la nature, deux phénomènes agissent de concert sur la diversité génétique :
- la sélection naturelle
- la dérive génétique.

1-3-1 La sélection naturelle

L'environnement exerce une pression de sélection sur une population, en rendant certains caractères défavorables pour l'individu qui le porte, et d'autres avantageux (sachant qu'un allèle ne peut être considéré comme "avantageux" ou "désaventageux" que dans un environnement donné).

En réalité, peu importe que ce caractère soit défavorable à l'individu. Il faut simplement qu'il soit favorable à sa reproduction.
C'est à dire que si un caractère permet à un individu d'avoir une descendance nombreuse, mais l'amène à mourir jeune (mais après sa reproduction), il sera sélectionné.

Pourquoi? C'est mathématique : un allèle qui permet d'avoir une descendance nombreuse, étant transmis à cette même descendance, lui permettra à son tour d'avoir une descendance nombreuse.  Pour finir, au bout de quelques générations, les individus portant cet allèle seront les plus nombreux.

Cette notion est très importante. Vous pouvez faire une pause pour y rélfléchir... prenez un café, par exemple ;).

un café. Vous l'avez bien mérité.

La sélection naturelle est donc une force qui modifie, voire réduit, la diversité génétique dans une population. Des que les conditions environnementales changent, les pressions de sélection qui jouent sur une population se modifient. Cela entraîne des changements de fréquences dans les allèles, car les caractères qui étaient avantageux auparavant ne le sont plus forcément par la suite. Le nombre d'allèles a tendance à se réduire.

Attention toutefois. La sélection naturelle a de multiples facettes, et il est facile de faire des interprétations erronnées. Par exemple, prenons le fameux exemple des girafes.

Dans une population de girafes ancestrale, à l'époque où leur cou était court (si vous vous demandez comment on sait que les ancêtres des girafes avaient le cou court, ce sera expliqué plus loin), il existait un certain polymorphisme des gènes qui codaient pour la longueur du cou. En gros, certaines avaient des cous un peu plus longs que d'autres. D'ailleurs, si vous regardez autour de vous, vous constaterez la même chose chez vos voisins : certains top models ont des cous très longs, alors que d'autres personnes donnent l'impression de n'avoir pas de cou (et pourtant, tout le monde a le même nombre de vertèbres, même les girafes : sept. C'est le nombre de vertèbres des mammifères, qui est fixe.)
Revenons à nos girafes : les girafes qui naissaient avec un cou un peu plus long que les autres avaient une descendance plus nombreuse, et de nos jours, toutes les girafes ont un long cou.

La question est : "Pourquoi le long cou a-t-il favorisé la reproduction des girafes?"
- Peut-être parce qu'il leur permettait de brouter les feuilles plus haut dans les arbres, et qu'elles étaient donc mieux nourries (sélection naturelle stricte).
- peut-être parce que quand les girafes mâles se battent pour accéder aux femelles, elles utilisent leur cou... ce qui fait que les plus longs cous auraient gagné plus de combat, et donc obtenu la faveur de ces dames (sélection sexuelle)
- peut-être que seul le hasard de la dérive génétique est en cause.

histoire de taille

Résumé !

Quels caractères sont la cible de la sélection naturelle?
Tous ceux qui sont héritables et qui jouent un rôle dans la capacité des individus à se reproduire et à laisser une descendance féconde. Cela implique que ces caractères soient variables, c'est à dire que les gènes qui codent pour eux existent en plusieurs allèles.
Ces caractères peuvent être physiques, physiologiques, morphologiques, métaboliques, aussi bien que comportementaux.

1-3-2 La dérive génétique :

La dérive génétique a les mêmes effets que la sélection naturelle, à une grosse différence près : elle s'effectue entièrement au hasard.


Dans une population de petite taille, quand un allèle est rare, il peut n'être porté que par quelques individus. Que se passe-t-il alors si, pour une raison fortuite, ces individus ne peuvent se reproduire? L'allèle disparaît, et ce même si il était avantageux.
Car être avantageux ne signifie pas "garantir" la reproduction. On peut porter un super allèle, et se prendre une branche sur la tête... Ou bien, on peut posséder cet allèle en un seul exemplaire (hétérozygotie), et, par hasard, transmettre l'autre allèle à ses descendants (puisqu'on a deux allèles, on a une chance sur deux de transmettre chacun des allèles à chaque descendant... sachant que l'effectif théorique nécessaire au renouvellement d'une population est de deux descendants par femelle, vous pouvez compter les chances qu'a chaque allèle d'être transmis.).
En outre, de très nombreux allèles ne sont ni avantageux ni désavantageux. On les appelle les allèles neutres. La sélection naturelle n'a par conséquent pas de prise sur eux. Leur fréquence dans la population ne se modifie que grâce à la dérive génétique.

La dérive génétique est une force évolutive très importante, car son rôle peut-être plus fort encore que celui de la sélection naturelle.

1-3-3 En fin de compte, quelle est la cible de la sélection naturelle et de la dérive génétique?

Prenons un exemple, celui des lions. Vous savez peut-être que les lions mâles s'approprient une bande de lionnes, avec lesquelles ils vivent jusqu'à être évincés par un autre lion, plus jeune, plus fort.
Or, quand un lion prend possession d'une nouvelle troupe, la première chose qu'il fait est de tuer les lionceaux. Pourquoi?
Cela semble tout à fait stupide pour la "survie de l'espèce". Tous ces lionceaux avaient déjà un certain âge, il avait été coûteux de les produire, de les allaiter, et voilà tout réduit à néant par un lion stupide.

lion stupide...

Mais en fait... que se passe-t-il une fois les lionceaux tués? Les lionnes, qui n'ont plus personne à allaiter, retombent bientôt en chaleur. Et le lion peut les féconder.
Imaginez deux lions. Le lion Marcel possède un allèle qui détermine un comportement "tueur de lionceaux" (et oui, ce comportement est instinctif, génétiquement déterminé). Le lion Jean ne le possède pas.
Chacun prend possession d'une troupe de lionnes pendant quelques années, avant d'être évincés à leur tour.
A son arrivée, Marcel tue les lionceaux et les lionnes sont en chaleurs. Quelques mois plus tard, naissent une nouvelle troupe de lionceaux, portant à leur tour l'allèle "tueur de lionceaux".
Jean, lui, doit attendre un an avant d'avoir ses premiers lionceaux, le temps que les lionnes aient élevé les précédents.
Qui au final aura eu le plus de lionceaux? Le tueur de lionceaux.

Peu importe qu'un comportement ou un caractère soit défavorable à l'espèce, si il est favorable à la transmission des gènes qui codent pour lui.
En fait, peu importe même si il entraîne la mort de l'individu, si cette mort ne nuit pas à la production d'une descendance mature... Cela explique pourquoi tant de maladies nous atteignent plus particulièrement pendant notre vieillesse : cancer, alzheimer etc... C'est simplement qu'elles n'ont jamais été contre-sélectionnées.

Réfléchissons maintenant à la reproduction. Nous avons coutume de dire que les individus "se reproduisent". Est-ce exact? Non, car nos descendants sont différents de nous-même. Même si ils portaient le même génome que nous (si ils étaient nos clones), ils ne seraient pas "nous".
Que leur avons nous transmis? Nos gènes. La moitié de notre information génétique, (transmise par un ovule ou un spermatozoïde, dans le cas des espèces sexuées).

"Pour en savoir plus" L'information qui passe d'une génération à l'autre.

La seule chose qui "passe" d'une génération à l'autre, c'est donc l'information génétique. C'est donc cette information qui est la cible de la sélection et de la dérive (ni l'espèce, ni l'individu... qui est si éphémère).
Selon ce concept, les individus se retrouvent assimilés à des "avatars" que leurs gènes ont créés pour assurer leur reproduction (cf "Les avatars du gène", PH Gouyon).
C'est la théorie du gène "égoïste", émise en premier lieu par Richard Dawkins, selon laquelle n'existent à l'heure actuelle que les gènes qui se sont le mieux reproduit, au détriment des autres gènes. Les gènes qui se reproduisent le mieux sont ceux qui produisent les organismes les plus aptes à les reproduire. Cette théorie a permis de résoudre beaucoup de questions qui semblaient insoluble, notamment au niveau de l'étude des comportements des animaux, comme chez les lions. Elle permet aussi d'expliquer la coopération chez les fourmis.
Cette idée du gène "égoïste", peut sembler troublante, et pose pas mal de questions philosophiques, sur lesquelles nous reviendrons. Mais en fin de compte, savoir que nos gènes nous ont développés "pour" les reproduire ne nous oblige pas à le faire...

Pour en savoir plus : Un gène vraiment très égoïste chez l'abeille.

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