Nicolas Mitric

Son site internet

interview réalisée en 2006

Bibliographie:

- Anatole et compagnie
- Arkeod
- Kookaburra
- Kookaburra Universe
- Tessa agent intergalactique
- Verseau
- La Voie du silence


Quel métier voulais-tu faire lorsque tu étais enfant ?

(rire ) Je voulais être paléontologue. Quand j'étais petit, j'avais des cartes illustrées de dinosaures que j'échangeais avec mes camarades. Je connaissais leurs noms par coeur. Sinon, les dessins sur les cartes m'attiraient mais je n'avais pas encore l'idée de faire de la B.D.
Par la suite, on m'a orienté vers l'architecture, mais je me suis finalement retrouvé dans la menuiserie ( sourire )...
J'ai perdu du temps.

Qu'est ce qui t'as motivé a faire de la B.D.?

J'ai donc débuté par des études de menuiserie. J'ai fait des stages mais j'ai jamais pratiqué. Ensuite, je me suis aperçus que j'aimais bien dessiner.
Les années 80, c'était l'ère de la pub : je voulais être illustrateur de pub. J'ai tenté des concours que je n'ai pas eu. Le domaine de la publicité commençait à décliner, j'ai donc cherché à m'orienter vers autre chose mais en restant dans le domaine de la création. Je me suis inscrit dans une école de Design – après en avoir réussi le concours d'entrée. Je ne suis pas allé jusqu'au diplôme mais j'ai trouvé du boulot entre temps.

Et ensuite?

Je me suis vite rendu compte que la marge de création était restreinte car il y avait des codes à respecter. En parallèle au boulot, j'ai donc essayé de trouver une zone de liberté créative.
J'ai commencé à écrire les base du scénario de mon premier album, Archéod. Pour les dessins, j'ai demandé à un pote de promo, Bruno Vieillard ( ndr-dessinateur de la série « Coeur de Royaume » chez Soleil ) de s'en charger. Lui, il avait la culture de la planche B.D., car il en faisait depuis qu'il était enfant. Hélas, il avait un style plus humoristique que réaliste, ce qui ne collait pas pour Archéod. En plus, il ne se sentait pas l'envie d'aller plus loin.
J'ai donc dû me charger de l'intégralité de la réalisation, scénario et dessin. Pourtant, à la base, je pensais plus raconter des histoires que dessiner.
J'ai mis quatre ans avant de signer car je devais apprendre les codes. Je ne connaissais personne dans le monde de la BD qui puisse me conseiller. J'encrai à la plume sur du bristol... Je travaillais sans aucune base, en utilisant du matériel inadapté... Et en plus je continuais à bosser en tant que graphiste pour pouvoir manger.

Comment t'es venu l'idée d'Archeod ?
 
J'ai lu le livre « l'Énigme Sacrée » en 93. C'est l'enquête d'un journaliste de la BBC autour du mythe de Jésus, de son jumeau et du secret des templiers .Sur une vision transversale, j'ai vu des corrélations. Voulant faire un récit d'anticipation, ça m'a donné envie de traiter ce genre de sujet. Avant le « Da Vinci Code »!

Pour Archéod tu nous as dit que tu avais choisis une ligne davantage comics que franco belge?

À la base, quand j'ai commencé à lire de la B.D., c'était des « Spécial strange », les X-mens de John Byrne. J'étais fan de cette période : Byrne au dessin, Terry Austin a l'encrage et Chris Claremont au scénario. Quand j'ai commencé, j'étais donc plus influencé par les comics, du moins pour les dessins.
Ensuite, quand j'ai présenté mes dossiers, en 94, on m'a fait remarqué que tous mes personnages avait le même visage. Un peu comme dans les comics où tout est stéréotypé, car ils doivent représenter la société américaine. Capuron, de chez Delcourt m'a dit une phrase qui m'est restée en mémoire:  «  Les héros doivent avoir des gueules ». C'était un premier point.
Ensuite, en ce qui concerne les cadrages, je les faisais trop serrés, encore comme dans les comics. J'ai dû apprendre la narration, faire des plans plus larges et des angles de plans plus variés.
Au final, en gardant le dynamisme des comics pour l'action et en mixant avec la narration franco belge, j'ai réalisé Archeod. Voila pourquoi quand on regarde Archeod on peut pas dire que c'est du comics, même si on en sent l'influence, ainsi que celle de Vatine qui pour moi reste la référence en matière de semi-réalisme.

As tu modifié ton histoire en fonction des conseils des maisons d'édition que tu consultais?

Non, mon histoire était prête depuis 93.
Pour qu'une histoire fonctionne, j'ai besoin avant toute chose d'en décider la fin. Je pourrais même vous raconter la fin du dernier album de « Tessa, Agent Intergalactique », pour lequel on envisage 24 tomes. Par contre, si je le faisais, je devrais vous tuer ensuite( sourire )...

Comment as tu fais la connaissance de Didier Crisse?

C'était lors de ma 3ème séance de dédicaces. Je ne connaissais personne dans le monde de la B.D. et j'avais été invité à une petite tournée en Vendée. Je voulais faire un cadeau à des amis, je leur ai pris un « Erotic fantasy » ( collectif de dessins coquins de Crisse) et je lui ai demandé une dédicace, mais avant la séance de dédicace. Il me l'a faite, intrigué que je la lui demande avant la séance.
Sur le chemin pour aller au restaurant, on me tape sur l'épaule, je me retourne et je vois Crisse qui me dit « C'est toi Mitric? ». Il m'a demandé pourquoi je n'étais pas venu le voir plus tôt! Il m'a dit qu'il avait lu et apprécié Archéod. On a ensuite sympathisé, le courant est très bien passé. Deux semaines plus tard, il m'a appelé pour me proposer de faire le premier épisode de kookaburra Universe.

Alors?

Je lui ai demandé d'attendre que je finisse le tome deux d'Archéod, puis je m'y suis mis. Au départ je ne pensais faire que le 1er tome de kookaburra Universe mais finalement j'ai continué la série régulière.
Mais c'est promis, je finirais Archéod! Peut être pas au dessin mais de toute façons le scénario est déjà prêt.

Avais tu lu Kookaburra avant de faire l'album ?

Non. J'avais juste feuilleté...

Comment s'est passée ta collaboration avec Crisse?

Très bien. On a vécu une super aventure sur le premier tome de kookaburra Universe. C'est une série où il y a tout a créer. Il avait quelques idées, il voulait que ce soit autour du personnage de Dragan. Je lui ai proposé quelques idées et on a mixé tout ça. Bien sûr il était maître d'oeuvre sur le projet, mais ca m'a permis de m'intégrer davantage dans l'album.
Quand il m'a demandé ensuite de continuer la série kookaburra, j'avais une plus grande appréhension car il y avait déjà trois albums... Et un public. Au final ça c'est bien passé . À partir de la planche 19 du quatrième tome de kookaburra, j'ai eu le déclic et c'est parti j'étais dans l'histoire. Ce n'est pas toujours évident de rentrer dans une histoire quand on est dessinateur. C'est une question de réglage.

Crisse te donnes-t-il l'intégralité du scénario?

Non.

Ce n'est pas trop frustrant?

Si.( rires ) On ne travaille pas de la même façon, lui et moi. Je reçois le scénario au fur et à mesure et quand je lui demande la fin, il ne peut pas me la donner car elle est encore en phase de maturation dans sa tête. Il aime bien faire vivre ses personnages. Moi aussi mais je procède différemment. J'ai déjà la fin au bout et lui, il a un faisceau de fins, qui s'affine en fonction de l'évolution des personnages. Maintenant je suis habitué. Et puis j'ai confiance car Crisse a une longue expérience dans la bande dessinées.

As tu eu des contraintes graphiques?

Un peu. J'ai essayé d'arrondir les formes pour m'éloigner du style d'Archéod, qui est plus agressif. Mais en même temps je changeais de technique je passais de l'encrage au feutre à l'encrage au feutre pinceau ce qui a forcement pour conséquence d'arrondir ton style. Finalement c'est bien tombé. Quand on regarde attentivement les cinq premières pages de kookaburra Universe et les quinze dernières, qui représentent mieux mon style, on voit bien que ce n'est pas la même chose..

Tu vas mener la série à son terme?

Oui. Pour moi, la fin, c'est le tome cinq kookaburra qui va clore le cycle. Il y aura ensuite un nouveau cycle, qui était déjà prévu à la base. Je pense qu'il y aura un sixième et un septième tome. Je ne les dessinerai pas, Crisse ne les scénarisera pas, mais il supervisera. Par contre je travaille au scénario d'un Kooka Universe avec les frères Perru (Ndr : « Shaman ») au dessin.
Si tout se passe bien, le cinquième tome de Kooka et le sixième de Kooka Universe sortiront l'année prochaine.

Comment procèdes-tu pour la colorisation, sur Archéod et Kookaburra?

Sur le premier Archéod ce fut un peu compliqué car il y a eu des problèmes de timing avec les coloristes, mais on ne rentrera pas dans les détails. C'est pour ça que j'ai voulu faire moi-même les couleurs du tome 2 d'Archéod.
Pour kookaburra, j'ai fais les couleurs de quelques planches, mais Mourad, mon éditeur, a préféré me mettre un coloriste pour me dégager du temps pour faire davantage albums, ce qui n'est pas plus mal. C'est vrai que la colorisation, ça peut immobiliser durant 2-3 mois suivant la vitesse où on va.

Y a-t-il d'autres auteurs avec lesquels tu aimerais travailler?

Non. avec crisse ça été une expérience formidable et très gratifiante, que ce soit sur un plan professionnel ou humain, car quand une personne qui a un tel background viens te chercher pour te demander de bosser avec elle, ça fait plaisir.
À une époque, j'aurais aimé travailler avec Vatine. Lors de la reprise d'Aquablue il m'avait dit qu'il avait pensé à moi en premier. Rien que ça, c'est comme si je l'avais fait. Donc pour l'instant je n'ai pas spécialement envie de travailler de nouveau pour un scénariste.

Comment est venu l'idée de Verseau?

C'est venu après Archéod. Je commençais à me préparer à l'après Archeod, et on m'a présenté Alain Petitclerc. Comme moi, à la base, il était directeur artistique dans le graphisme, sauf qu'il avait dix ans de plus. Il voulait depuis longtemps rentrer dans le circuit de la BD. Il avait la passion de la planche de B.D. ( il a plus de 400 planches qu'il a dessinés chez lui). Je lui ai dit « On mettra le temps qu'il faudra mais on y arrivera » . Au bout d'un an et demi on a signé chez Soleil, avec un de mes meilleurs amis, Laurent Mezarino, qui est co-scénariste sur la série car il a fait un important travail de bibliographie.
Verso parle d'une vision ultra médiatisée du monde : il n'y a pratiquement qu'une chaîne, qui a un pouvoir hégémonique énorme. Dans ce contexte, Théodore – l'Homme Éteint comme l'appelle Laurent Mézarino – a une richesse personnelle plus grande que beaucoup de pays. On a poussé les situations et les personnages au maximum pour imaginer ce qui pourrait nous attendre dans le futur. Un peu comme dans le film « Soleil vert ».
Cette histoire est un projet d'anticipation. L'histoire de Verso a besoin de mûrir avec le temps. Je pense qu'à un moment on sera en phase avec la société, et Verso trouvera son public. C'est ce que je trouve intéressant dans les romans d'anticipation. « la réalité rejoint la fiction ». Beaucoup d'écrivains de S.F. sont des scientifique et c'est le cas de Laurent Mezarino, qui amène ce côté cartésien qui s'ajoute à mon côté imaginatif.

Et « la Voie du Silence »?

C'est autour d'un personnage d'Archéod, Scalm.

Pourquoi lui?

Pour la petite histoire, en dédicace, on me le demandait plus que le héros, alors qu'il n'apparaît que dans 3 cases et qu'il ne dit rien. Ce côté mystérieux attirait les lecteurs, j'ai donc pensé faire une mini série où on raconte pourquoi il ne dit rien, et donc pourquoi il a suivi la « Voie du Silence ». C'est une petite aventure parallèle.

Parlons un peu de Tessa. Comment as-tu rencontré Louis?

En 2002, je crois, à Angoulème, et j'ai rencontré plusieurs fois des gens qui m'ont dit avoir vu une personne dont le style graphique était très proches du mien. Le soir, au billard où on se retrouve tous, Crisse a croisé cette personne, qui s'appelle Louis. Et ce qui est amusant c'est qu'à lui, on lui avait dit la même chose, comme quoi il avait du lire du Mitric car on avait les mêmes influences!
Pourtant, il ne savait pas qui j'étais et moi de même je ne le connaissais pas. Crisse nous a présenté, on a sympathisé et je suis aller voir ses travaux sur son site. C'est vrai que c'était troublant. On a effectivement les mêmes influences ( comics avec Terry Austin ou Vatine dans le franco-belge). Lui a en plus l'influence de Spirou et de Maëster donc ça lui donne un dynamisme encore plus grand. Je me suis dit j'aimerais bien travailler avec lui.
C'est trois ou quatre mois après, lors d'un repas chez Soleil, que Jean Vaquiel est venu me voir pour me demander de bosser avec quelqu'un. Je venais de signer pour faire la série « Anatole et cie », j'avais déjà « Verseau », «  La Voie du Silence »,  « kookaburra » et « Archeod » à finir...
J'étais déjà débordé. J'allais lui dire un truc comme « c'est gentil d'avoir pensé à moi » et puis il m'a dit que c'était Louis. Il ne fallait pas laisser passer cette chance. Je pensais qu'il allait reprendre Archéod, mais Mourad m'a dit que non. « c'est une personne qui arrive, qui a beaucoup d'énergie, il lui faut une série neuve. »

Comment est venue l'idée des Agents Intergalactiques?

En rentrant au studio avec Grey ( ndr-dessinateur de « la Voie du Silence »), j'ai regardé de nouveau le site de Louis et j'ai écris le pitch de Tessa. Ce qui l'intéressait, c'était le S.F., avec des petites nanas dynamiques à forte personnalité. De plus, il me fallait une série qui ne me demande pas trop de recherches, à la différence d' Archéod ou de la Voie du Silence.
J'ai opté pour la S.F., avec une jeune fille à qui j'ai donné le prénom de ma fille. Ensuite, j'ai pensé à des séries T.V comme « Buffy », qui fait appel à une culture plus ciblée pour adolescent. Il me fallait deux niveau de lecture.
Ce qui m'intéressait dans Buffy c'était le parallèle entre vie réelle et vie fantastique. J'ai aussi pensé à Highlander pour le coté « il ne peut y en avoir qu'un », mais pour l'instant on ne peut pas s'en douter dans la série.

Et Sillage?

Quand j'ai eu fini les 15 lignes du pitch et je me suis dis « On va avoir un souci avec Sillage ». Mais pour moi ce n'est pas la même chose, Tessa c'est de l'humour S.F. alors que Sillage, c'est une réflexion sur notre société, à travers la vision d'une adolescente. Il y a peut-être aussi de la réflexion dans Tessa, mais ce n'est pas du tout traité de la même façons.
Plus les tomes de Sillage et Tessa avancent, plus nos chemins tendent à se différencier. Tessa n'est pas un produit qui a été marketté pour Soleil contre Sillage et Delcourt.

Tu aimes ce coté « serial » ?

Oui, c'est mon coté comics. Tessa fonctionne par saison de 8 tomes. Pour la première saison les épisodes sont relativement indépendants. Le septième et le huitième tome concluront la première saison. On apprendra l'identité et les motivations du « sideral killer », qui constitue la trame de fond. Ensuite, j'ai encore deux autres trames de fond de prêtes. Voilà pourquoi j'ai pensé qu'il y aurait 24 albums. Et pour moi ça finirait avec une vraie fin.

Tu as donné la fin à Louis?

Il sait tout. Quand je dessine, je continues a réfléchir au scénario. Toute les idées qui me viennent, je les note sur un cahier. J'utilise cette méthode pour toutes mes séries. L'avantage, c'est que quand je reprends une série, je prends mon cahier, je remets tout dans l'ordre et j'ai une grande trame d'histoire. Et bien sûr il y a la fin.
Louis sait déjà tout des 8 premiers tomes, sauf les détails ni les dialogues, bien évidemment. Il apporte des idées qui m'en donnent d'autres et on avance comme ça. Ce qui est intéressant dans la création, c'est le côté vivant. On met tous nos egos de côté. Pour moi, le projet est essentiel : si un dessinateur trouve quelque chose de scénaristiquement intéressant, alors on l'utilise.

Tu travailles ainsi avec chaque dessinateur?

Ceux qui le veulent, oui.
Dans certains cas, comme par exemple sur Anatole et cie, ce n'est pas possible, car Philippe Fenech habite à Montpellier. On communique régulièrement, ou on essaye de se voir quand l'un passe dans la ville de l'autre. Sur Verso, je vois le co-scénariste Laurent Mezarino toute les semaines. De temps en temps, Philippe Clair nous rejoint.
Globalement on travaille toujours de la même façon, avec quelques modifications suivant les disponibilités de chacun. Ça évite la monotonie, je préfère cela.

Le design du personnage de Tessa, c’est Louis qui te l’a proposé ?

Oui, mais je voulais qu’elle soit brune car ma fille est brune (rires). J’ai aussi demandé la « sym broche » car c’était important scénaristiquement.

Tu lui donne des idées pour les personnages ?

Je lui donne rarement des directives artistiques, car c’est son plaisir de créer les personnages. Il y a que pour « Trésor », un personnage du tome 2, pour lequel que je lui ai donné une directive. Je voulais qu'il ressemble un peu à un hibou ou à une chouette. Après, il l’a interprété comme il voulait.

Tessa va-t-elle vieillir sur les 24 albums ?

Elle va vieillir, mais pas beaucoup. Elle va avoir son anniversaire dans le tome 6, qui se passera entièrement sur Terre. C'était prévu de longue date – mais il y aura quand même des aliens.
Elle aura 17 ans dans la saison 2 et 18 ans dans le dernier épisode de la saison 3.
C’est pour cela que je veux que le 24ème album soit le dernier car, après ses 18 ans, elle passera dans le monde adulte et symboliquement c’est autre chose.
Elle va mûrir doucement au fil des épisodes. Toute le difficulté sera de la faire vieillir de deux ans sur 24 albums et que les lecteurs s’en rendent compte ( rires ).
Crisse nous parlait du risque de faire une longue saga pour le lecteur qui lui va vieillir plus rapidement que l’héroïne. Qu’en penses tu ?
Déjà, j’espère que les lecteurs de maintenant pourront passer les albums à la générations suivante. En plus, il y aura de nouveaux lecteurs qui arriveront en cours. Ce que j’aime chez Tessa, c’est qu’il y a une création perpétuelle ( de nouveaux personnages, de nouvelles situations ) et donc je pense que les lecteurs pourront s’y retrouver quelque soit leur âge. Enfin j’espère.

Tu as déjà les 24 jeux de mots pour les titres de Tessa ?

Non (rires) mais les 8 premiers, oui.
Ces jeux de mots c’est pour donner un côté sérial amusant ?

Oui, et puis comme je n’aime pas rester dans une ligne directrice, c’est possible qu’on arrête les jeux de mots. Ce qui nous plaît , à Louis et à moi c’est de surprendre : il ne faut surtout pas s’attacher aux apparences. J’aime faire croire aux lecteurs qu’ils sont dans quelque chose qu’ils connaissent mais en réalité ils seront surpris. Vous verrez, à la fin de la première saison...

Comment est né le projet Anatole et compagnie?

Je ne voulais pas me cantonner à un genre. Ne faire que de la S.F., ne m'intéressait pas. Anatole et cie, c'est aux antipodes de Verseau, mais en même temps je me reconnais autant l'un que dans l'autre. Et puis j'ai voulu me faire peur. Ce projet est le plus dur de tous.

Pourquoi?

Parce qu'il y a un mécanisme narratif différent de tout mes autres projets. Faire un gag en une planche ce n'est pas évident. J'ai eu la chance de rencontrer Philippe Fenech, qui d'une part est talentueux au niveau du dessin, et d'autre part a une énorme culture. C'est son univers. Il m'a beaucoup appris. C'est une belle expérience.

Pour la documentation, comment travailles-tu ?

Ça dépend des projets. Je puise dans tout ce qui peut me nourrir, films, romans, B.D... et surtout dans le vécu. Quand il m'arrive quelque chose, même quelque chose de sentimentalement difficile, je l'écris dans un cahier. Cela me permet déjà de l'évacuer et puis ensuite de m'en resservir quand j'en ai besoin.

Est tu intéressé par les critiques sur ton travail dans la presse ou sur Internet ?
Je ne vais pas les voir, pour plusieurs raisons.
 
Lesquelles ?

D’abord, avec huit séries en cours, je n’ai plus besoin de rassurer mon ego. Je n’ai plus à m’inquiéter des critiques négatives.
Et puis surtout, la création, pour moi, c'est quelque chose de très personnel. Je pense que si je commençais à créer quelque chose en me fiant aux avis d’autres personnes, quelque part je me trahirais. Je ne veux pas qu’on pense que c’est prétentieux de ma part, mais la création artistique – qui pour moi est un besoin vital – c’est comme cela que je la vois. De toute façons c’est impossible de plaire à tout le monde. Ce qui m’intéresse c’est de donner du plaisir aux gens.

Y a-t-il des genres que tu aimerais explorer ?

On ne m’as pas vu en Fantasy. Pourtant, je voulais commencer par là car c’est ce qui m’a nourri à la base. Quand j’étais petit, je ne faisais pas de planche de B.D., mais des fresques sur les murs de ma chambre. C'est vrai que je me vois plus faire des tableaux, de l’art pictural, que de la planche de BD.
J’ai aussi quelque chose en tête, plus intimiste. Une oeuvre où je pourrai mettre tout et son contraire sans me soucier du regards des autres. Je pourrais peut-être le faire maintenant mais je pense être encore trop jeune, il me manque encore du vécu.
En BD, je pense que Tessa sera ma dernière histoire de SF. J'ai Verseau en anticipation et j'aimerais avoir une série en Fantasy que je ne dessinerai pas. J’aimerais bien m’arrêter sur ces trois projets là.
On m’a aussi demandé du polar mais se serait un épiphénomène, car ce n'est pas ma culture. Et puis en ce moment, je travaille sur la série dérivée de Tessa, « 42 ». Elle sera à Tessa ce que Kookaburra est à Kookaburra Universe.
Et puis, je voudrais peindre. J’aime bien me faire peur, l’aventure de la peinture on ne m’y attends pas du tout. Au début je pense que ce sera assez figuratif, après je ne sais pas.
Quel regard porte tu sur la production actuelle en B.D. ? As-tu des auteurs préférés ?

Je suis assez large d’esprit. J’ai la chance d’avoir des amis qui me font découvrir des choses. Par exemple un album comme « Green Manor » ne m’attirait pas, mais comme un ami me l’a recommandé, je l’ai lu. C’est fabuleux. Velman a un tel talent!
J’aime aussi beaucoup le travail de Springer. Certains auteurs te parlent plus que d’autres, c’est tout.
Je ne lis pratiquement plus du tout de comics. Ça m’est passé, même si la ligne « Ultimates » est plus intéressante grâce au talent de scénaristes britanniques qui amènent un côté plus adulte aux histoires.
Ce qui est intéressant c’est qu’il y a une grande production et qu’il ne fait surtout pas aller vers une production plus étroite.

Quel conseil donnerais-tu à un jeune auteur qui veut faire de la BD ?
Il doit faire quelque chose qui lui plaît vraiment. Il n’y a pas réellement de voie royale. J’étais menuisier, maintenant je fais de la b.d., Louis a été prof d’électrotechnique pendant 8 ans. Une personne qui veut faire de la BD doit avoir le profond sentiment de vouloir en faire son métier et d’être prêt à y passer du temps.

Si tu étais un perso de B.D. qui serais tu ?


Pendant longtemps, j’aurais dit « Gypsy », pour le coté « faux dur ». Je crois que je dirais quand même Gypsy même si du temps est passé depuis. J’aime beaucoup le personnage. J’aime ses insultes ( rires ). Marini, fais-nous la suite !!