p.1Il reste un certain nombre de questions en suspens. La plupart sont des questions de détail : « quel était l’aspect de l’ancêtre commun de telle et telle espèce ? » « Ce caractère est-il ancestral ou dérivé ? » « Quel rôle a joué la sélection dans l’évolution de ce caractère ? » « Quel sont les liens d’apparentement de ce groupe d’espèces ? » etc.
p.2Cependant il reste encore quelques grandes questions de fond, qui sont
largement débattues. La question de savoir si l’évolution est graduelle, progressive
ou bien si les organismes évoluent par de brusques changements (morphologiques, physiologiques...), a été longtemps un sujet de discussion, mais au final, on se
rend compte que les deux sont possibles, et que cela dépend surtout de l’échelle
à laquelle on observe l’évolution. En effet, sur de grandes échelles de temps,
les changements morphologiques sont plus impressionnants. Le type de
gènes touchés est également important puisque des mutations de gènes de développement
produisent potentiellement des changements morphologiques brutaux.
p.3De la même manière, les débats sur les modalités de l’évolution des
protéines font parfois encore rage. La duplication d’un gène est-elle
nécessaire pour permettre l’apparition d’une nouvelle fonction
enzymatique ? Une nouvelle enzyme peut-elle être la conséquence de la
modification progressive d’une ancienne ? Ça dépend probablement des
cas, chacun des différents partis exprime très certainement une part de vérité, qu’il
faudrait synthétiser.
p.4Une des vraies grandes questions encore sans réponse satisfaisante aujourd’hui est celle
de l’évolution de la reproduction sexuée, surtout dans le cas où deux sexes ont évolué (certaines espèces en comptent davantage), l’un produisant de petits gamètes (mâles) et l’autre de gros gamètes (femelles). Comment expliquer le coût de
production des mâles ? Eh oui, si l’on imagine deux femelles d’une
espèce, l’une se reproduisant par clonage, et l’autre pratiquant la
reproduction sexuée, on peut voir que pour transmettre tous ses gènes,
il faudra deux fois plus de descendants à la deuxième qu’à la première, puisque celle-ci doit « partager » chaque descendant avec son
partenaire.
p.5À long terme, la reproduction sexuée, grâce au brassage génétique (voir encadré
1.3 ), permet
l’apparition de nouvelles combinaisons très rapidement. Pour que deux
mutations favorables soient présentes chez le même individu, l’individu issu d’une population clonale doit attendre que la deuxième mutation se produise
chez un de ses descendants possédant déjà la première. L’individu qui pratique
la reproduction sexuée n’a pas ce souci : deux individus portants des
mutations différentes peuvent provoquer la naissance d’un descendant
portant les deux, en une seule génération. Les capacités d’adaptation
devraient donc être meilleures pour les descendants de tels individus, puisqu’ils
auront davantage de variabilité génétique en moins de générations. En outre, la
reproduction sexuée permet aussi l’élimination des allèles délétères,
toujours par brassage génétique d’une génération à l’autre, ce qui est
impossible dans une population clonale. La reproduction sexuée a donc un
certain nombre d’avantages à long terme. Pourtant, il existe des petits
organismes, nommés rotifères bdelloïdes, qui pratiquent semble-t-il
depuis des millions d’années une reproduction clonale, dans des conditions environnementales similaires et sans avoir plus
de soucis que leurs congénères rotifères sexués, preuve que même à long terme, la reproduction asexuée a probablement aussi ses atouts...
p.6Mais à court terme ? Il semble n’y avoir, à court terme, aucun avantage visible à
pratiquer la reproduction sexuée. Pourtant celle-ci se maintient, sans
disparaître, malgré l’apparition régulière de populations clonales dans
diverses espèces (lézards, insectes, poissons...), ce qui pourrait
provoquer sa disparition. « Pourquoi et comment la reproduction sexuée se maintient-elle ? » reste donc une des questions clef de la biologie évolutive, à laquelle de nombreux chercheurs travaillent.
p.7Il reste donc encore des mystères à élucider pour les évolutionnistes
d’aujourd’hui, c’est ce qui fait l’un des attraits de cette discipline
passionnante.