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L'évolution du vivant expliquée à ma boulangère

    Chapitre 4    
Les questions qui restent en suspens
2008-06-25 / 2009-01-25


Il reste un certain nombre de questions en suspens. La plupart sont des questions de détail : « quel était l’aspect de l’ancêtre commun de telle et telle espèce ? » « Ce caractère est-il ancestral ou dérivé ? » « Quel rôle a joué la sélection dans l’évolution de ce caractère ? » « Quel sont les liens d’apparentement de ce groupe d’espèces ? » etc.
Cependant il reste encore quelques grandes questions de fond, qui sont largement débattues. La question de savoir si l’évolution est graduelle, progressive ou bien si les organismes évoluent par de brusques changements (morphologiques, physiologiques...), a été longtemps un sujet de discussion, mais au final, on se rend compte que les deux sont possibles, et que cela dépend surtout de l’échelle à laquelle on observe l’évolution. En effet, sur de grandes échelles de temps, les changements morphologiques sont plus impressionnants. Le type de gènes touchés est également important puisque des mutations de gènes de développement produisent potentiellement des changements morphologiques brutaux.
De la même manière, les débats sur les modalités de l’évolution des protéines font parfois encore rage. La duplication d’un gène est-elle nécessaire pour permettre l’apparition d’une nouvelle fonction enzymatique ? Une nouvelle enzyme peut-elle être la conséquence de la modification progressive d’une ancienne ? Ça dépend probablement des cas, chacun des différents partis exprime très certainement une part de vérité, qu’il faudrait synthétiser.
Une des vraies grandes questions encore sans réponse satisfaisante aujourd’hui est celle de l’évolution de la reproduction sexuée, surtout dans le cas où deux sexes ont évolué (certaines espèces en comptent davantage), l’un produisant de petits gamètes (mâles) et l’autre de gros gamètes (femelles). Comment expliquer le coût de production des mâles ? Eh oui, si l’on imagine deux femelles d’une espèce, l’une se reproduisant par clonage, et l’autre pratiquant la reproduction sexuée, on peut voir que pour transmettre tous ses gènes, il faudra deux fois plus de descendants à la deuxième qu’à la première, puisque celle-ci doit « partager » chaque descendant avec son partenaire.
À long terme, la reproduction sexuée, grâce au brassage génétique (voir encadré 1.3 ), permet l’apparition de nouvelles combinaisons très rapidement. Pour que deux mutations favorables soient présentes chez le même individu, l’individu issu d’une population clonale doit attendre que la deuxième mutation se produise chez un de ses descendants possédant déjà la première. L’individu qui pratique la reproduction sexuée n’a pas ce souci : deux individus portants des mutations différentes peuvent provoquer la naissance d’un descendant portant les deux, en une seule génération. Les capacités d’adaptation devraient donc être meilleures pour les descendants de tels individus, puisqu’ils auront davantage de variabilité génétique en moins de générations. En outre, la reproduction sexuée permet aussi l’élimination des allèles délétères, toujours par brassage génétique d’une génération à l’autre, ce qui est impossible dans une population clonale. La reproduction sexuée a donc un certain nombre d’avantages à long terme. Pourtant, il existe des petits organismes, nommés rotifères bdelloïdes, qui pratiquent semble-t-il depuis des millions d’années une reproduction clonale, dans des conditions environnementales similaires et sans avoir plus de soucis que leurs congénères rotifères sexués, preuve que même à long terme, la reproduction asexuée a probablement aussi ses atouts...
Mais à court terme ? Il semble n’y avoir, à court terme, aucun avantage visible à pratiquer la reproduction sexuée. Pourtant celle-ci se maintient, sans disparaître, malgré l’apparition régulière de populations clonales dans diverses espèces (lézards, insectes, poissons...), ce qui pourrait provoquer sa disparition. « Pourquoi et comment la reproduction sexuée se maintient-elle ? » reste donc une des questions clef de la biologie évolutive, à laquelle de nombreux chercheurs travaillent.
Il reste donc encore des mystères à élucider pour les évolutionnistes d’aujourd’hui, c’est ce qui fait l’un des attraits de cette discipline passionnante.

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