p.1Ce chapitre ne figure pas dans le corps du texte pour une raison simple : mon propos n’est pas de faire de l’histoire des idées, mais de décrire l’évolution des espèces telle qu’elle est comprise actuellement par les biologistes. Cette annexe ne devrait donc pas être nécessaire, car la théorie se suffit à elle-même. Si vous l’avez comprise, vous devez être capable vous-même de comprendre les défauts des arguments des contradicteurs.
p.2Depuis quelques années, un courant de pensée fleurit un peu partout : le créationnisme dit « scientifique », dont la théorie de l’intelligent design est le cheval de bataille.
p.3Qu’est ce que le créationnisme ? C’est l’idée selon laquelle le monde tel qu’il existe a été créé par intervention divine. Il ne faut pas le confondre avec le fixisme. Selon les fixistes, le monde vivant n’évolue pas. Il a été créé tel quel. Cette pensée dérive d’une interprétation stricte des textes religieux. Nous n’en discuterons pas, car il est évident qu’une telle pensée n’a absolument rien de scientifique. L’évolution est visible, elle se produit sous nos yeux et de nouvelles publications scientifiques en font état chaque jour.
p.4Le créationnisme n’est pas nécessairement associé au fixisme. Selon la théorie de l’intelligent design, l’évolution serait dirigée vers un but, elle aurait une finalité. Implicitement, le but de l’évolution aurait été la création de l’humain (très flatteur pour l’égo des arrogants que nous sommes), et peut-être quelque chose de « mieux ».
p.5Cette idée est en contradiction totale avec ce que la science nous enseigne du vivant. D’une part, l’évolution n’a pas de « but ». Elle ne peut pas en avoir, car il n’existe pas de « mieux ». Une baleine est-elle « mieux » qu’un brin d’herbe ? Pourquoi le serait-elle ?
p.6Mathématiquement, ce qui est sélectionné, c’est la capacité à transmettre ses gènes. Une baleine n’est pas plus efficace qu’un brin d’herbe dans ce domaine, et l’homme non plus. Les biologistes ne voient pas le monde sous forme d’une échelle. Pas plus sous la forme du « moins évolué » au « plus évolué » que du « moins bien » au « mieux ».
p.7Pire, la théorie de l’intelligent design n’est pas scientifique car elle n’est pas parcimonieuse. Le principe de la parcimonie veut qu’un phénomène ne soit expliqué que par le minimum de causes. Imaginez un ascenseur. Pour expliquer son fonctionnement, vous avez besoin de vous référer aux câbles, à l’électricité... Vous n’avez pas besoin, une fois que vous avez décrit tous les mécanismes, de décrire des filins invisibles ou des mains de géants pour expliquer comment il bouge.
p.8Eh bien en évolution c’est pareil. Tout s’explique bien avec le néodarwinisme. C’est une théorie robuste et complète. Pourquoi inventer d’autres mécanismes plus ou moins ésotériques, si ce n’est pour satisfaire notre égo en nous imaginant supérieurs aux autres êtres vivants ? Pour imaginer d’autres concepts, il faudrait d’abord trouver un exemple qui ne puisse pas s’expliquer avec le néodarwinisme.
p.9Un des autres grand arguments des tenants de l’intelligent design ou des créationnistes fixistes, c’est de souligner les discussions des évolutionnistes. D’après eux, si les spécialistes continuent de discuter des modalités de l’évolution, c’est la signe qu’elle n’est pas fiable, ou pire qu’elle n’existe pas.
p.10Or, imaginez deux pâtissiers discutant de la tarte aux fraises. L’un soutient qu’il faut une pâte sablée, et l’autre une pâte brisée. Mais quoiqu’il en soit, le gâteau s’appellera toujours « tarte aux fraises » ! Il ne viendrait à l’idée de personne de dire que la tarte aux fraises n’existe pas...
p.11Bien sûr que les spécialistes discutent en permanence des modalités de l’évolution. Il reste encore des choses à découvrir, et beaucoup d’espèces à étudier. Mais en plus d’un siècle de recherche, personne n’a trouvé de cas qui ne soit pas explicable par la théorie synthétique de l’évolution. Et ce n’est pas pourtant pas faute de chercher.
p.12Au final, les principaux « arguments » des créationnistes de tous poils contre la théorie de l’évolution reflètent une seule chose : ils n’ont pas pris le temps d’essayer de la comprendre avant de la critiquer, et n’expriment bien souvent qu’une navrante ignorance du sujet.