Brume d'Argent - Sciences2024-03-28T11:54:47+00:00urn:md5:0a3ca45e9164f8e9f042369cfef9c0f4DotclearUn mot sur l'affaire Seraliniurn:md5:aa50b010f2a05484fa033404e6ce764d2012-10-23T13:31:00+01:002012-10-23T13:31:00+01:00AquilegiaSciencesOGMSciencesSeraliniSociété<p>Pour ceux qui vivent dans des grottes, ce
chercheur a mené une <a hreflang="fr" href="http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/22999595">expérience sur le long terme</a> (deux ans) en
nourrissant des rats avec des OGM, afin de voir si, en les comparant
avec des rats nourris sans OGM, on observait un effet délétère d'une
alimentation à base d'OGM. Moralité : oui, on observe un effet de l'OGM
particulier qui a été testé, le maïs NK603. Pas "tous les OGM", comme l'ont
prétendu certains, mais "un" OGM, ce maïs-là. Les rats, une lignée
consanguine particulièrement fragile) ont développé significativement
plus de tumeurs quand ils étaient nourris avec le maïs OGM. On ne sait
pas exactement pourquoi, mais quelques hypothèses sont avancées par
l'équipe de Seralini.</p> <p>Avant d'aller plus loin, un petit mot sur les OGM. C'est quoi? Fabriquer un OGM, c'est insérer dans le génome d'un organisme un gène qui n'y était pas, potentiellement d'une autre espèce. Est-ce que ça se fait dans la nature? Oui. On utilise d'ailleurs, chez les plantes, une bactérie dont "fabriquer des OGM" est le mode de vie naturel, le bien nommé "<em>Agrobacterium tumefaciens</em>". C'est la bactérie responsable de la fameuse "gale du collet" chez les plantes : ce sans-gène injecte en effet littéralement de son ADN dans celui des cellules de la plante afin qu'elle produise des protéines intéressantes pour la bactérie, qui n'a plus qu'à se nourrir. Exactement ce qu'on veut faire pour nous : que nos plantes cultivées produisent des protéines qui sont intéressantes pour notre nourriture. Comme tous les organismes vivants ont le même système de fabrication des protéines (trop fort, hein? C'est une des preuves indiquant que nous avons tous, nous, les plantes, les bactéries etc, un seul et unique ancêtre commun), il suffit d'insérer le gène au milieu des autres, et ça roule.<br />MAIS. Car oui, il y a un mais. Une protéine, c'est quoi? C'est une chaîne d'acides aminés (comme un collier de perles dont chaque perle est un acide aminé). Sa fonction biologique, la façon dont elle va interagir avec les autres molécules de la cellule, le rôle qu'elle va remplir dans le fonctionnement de la cellule, tient à la fois de la séquence de ces acides aminés (c'est à dire leur nature et leur ordre), mais aussi de la façon dont la protéine est repliée sur elle-même. Or, pour une séquence donnée, il y a, chimiquement, plusieurs façons de replier la protéine. Souvent, ce qui se passe, c'est que spontanément elle se plie d'une certaine façon, à cause de l'interaction des acides aminés entre eux, mais en entrant en contact avec d'autres protéines, que l'on appelle "chaperonnes", elles peuvent se plier d'une manière différente. Ce "pliage" est ce que l'on appelle la "structure tertiaire" d'une protéine. <br />Or, quand on fait un OGM, on met un gène dans une cellule, mais on ne met pas les gènes des chaperonnes (qui peuvent elles-même nécessiter des chaperonnes... vous suivez?). Donc on aura une protéine de la séquence voulue, mais pas forcément de la conformation voulue. Et sa fonction peut donc être un peut différente de ce à quoi on s'attendait. Surtout si elle interagit de manière inattendue avec les protéines de la cellule-hôte. Du coup, si notre gène est un insecticide, il ne sera peut-être pas efficace comme voulu, il sera peut-être devenu un peu toxique, ou allergène si on le mange (par contre, non, vous ne deviendrez pas OGM en mangeant des OGM... Imaginez le foutoir si, en mangeant de la salade, on intégrait les gènes de la salade parmi les nôtres... Personne ne fait la photosynthèse dans mes lecteurs? Non? Alors vous ne risquez pas de devenir des humains génétiquement modifiés en mangeant du maïs génétiquement modifié.)<br /><br />Du coup, ça semble d'une logique imparable : il faut tester si l'OGM a bien les effets voulus, et ce sur le long terme (il y a des molécules que l'on mange qui s'accumulent dans l'organisme, ou qui pourraient produire des dérèglements visibles seulement sur le long terme, par exemple avec un effet hormonal). Or, actuellement, les tests ne sont que de 3 mois. Sur la durée de vie d'un individu, c'est faible. D'où l'idée, absolument logique, encore une fois, de Seralini : faire un test sur 2 ans, à peu près la durée de vie d'un rat de labo. Sur ce point, Seralini a entièrement raison : TOUS les OGM destinés à l'exploitation devraient être testés ainsi, et pas seulement ceux "sur lesquels on a un doute", comme certaines sommités ont pu le dire à la radio récemment. On a mis en place, en France, des moratoires depuis environ 10 ans, on ne va pas dire que le temps à manqué.<br /><br />Bref. Cette étude de Seralini a été "refusée" par les divers organismes très respectables, comme "insuffisante" pour prouver la nocivité de l'OGM sur l'homme. Ce qui lui a été reproché, notamment, c'est:<br />- le nombre un peu faible d'échantillons<br />- le fait que les rats choisis étaient d'une lignée développant spontanément des tumeurs.<br /><br />Bon. Concernant la première critique, c'est vrai qu'on peut vouloir renforcer les résultats par la réplication de l'expérience: c'est important de savoir si ce que l'on a observé était vraiment un effet de l'OGM, ou pas un artefact statistique. Les groupes de rats auraient dû comporter une cinquantaine d'individus, pas une dizaine. Cela dit, l'effet l'effet constaté, est à mon humble avis déjà quelque chose de suffisamment important pour, en théorie, demander toute notre attention (et l'arrêt de l'utilisation de l'OGM pendant cette période d'attention, peut-être?). <br />Concernant la seconde critique, c'est plus délicat. Si l'on cherche à mesurer un effet faible, il faut effectivement utiliser une souche sensible. D'autant que si effet il existe, mais qu'il ne se mesure que sur les individus fragiles, eh bien... C'est suffisant pour vouloir protéger l'ensemble de la population (principe de précaution, nous ne savons pas à l'avance qui présente un terrain génétique sensible aux tumeurs). Donc, il peut être intéressant de voir les effets du maïs sur d'autres souches de rats, MAIS il est à mes yeux indispensable de tester également les souches sensibles.<br /><br />Et surtout, il est indispensable de mettre en place des tests sur le long terme, pour TOUS les OGM, avant leur utilisation en masse. Payés par qui? Certainement pas par les services publics, qui ont autre chose à faire que dépenser leurs sous chaque fois qu'une entreprise a envie de fabriquer un nouveau machin. Par contre, les services publics devraient RÉALISER ces études, de façon indépendante et publique, études qui seraient PAYÉES par les entreprises elles-mêmes. Pierre-Henri Goyon, <a hreflang="fr" href="http://www.franceinter.fr/emission-la-tete-au-carre-debat-autour-de-l-actualite-scientifique-34">interviewé dans la Tête au Carré sur France Inter</a>, l'explique fort bien.<br /><br />Bon, ça ne résoudra pas les autres problèmes posés par les OGM, qui ne sont pas que des problèmes de santé publique (il y a majoritairement deux problèmes, et le second n'est d'ailleurs pas directement lié aux OGM : <br />- le fait que quand on fait un OGM, on utilise une espèce de plante donnée, par exemple le riz, mais aussi une variété donnée de cette plante, alors qu'il existe, pour chaque plante cultivée, des centaines de variétés toutes adaptées à des régions du monde données, et que cette multitude de variétés représente un atout majeur pour notre agriculture, notamment parce que la biodiversité ainsi accumulée au cours des siècles permet de disposer de variétés capables de résister à toute un ensemble de pathogènes et autres problèmes eux aussi variables (variétés résistant au froid, à la chaleur, à une terre plus sèche, plus humide, etc..). Si un OGM, par exemple un riz, est présenté comme ayant un atout particulier, et remplace les variétés locales dans plein de régions du monde, cette biodiversité et sa richesse sera perdue, ainsi que la probabilité d'avoir des plantes résistantes à différents soucis environnementaux (émergence de nouveaux ravageurs etc). <br />- le fait que les brevets sur les gènes sont une aberration éthique et économique. C'est particulièrement visible avec un OGM, mais ça peut être appliqué à n'importe quel gène naturellement présent dans n'importe quel organisme : si un semancier se déclare propriétaire d'un gène donné, et veut faire payer une taxe à tous ceux qui utilisent des plantes portant ce gène, sachant la volatilité du pollen, et qu'on risque de rapidement retrouver le gène dans un grand nombre de cultures, ça justifiera, aux yeux du semancier, de demander des dommages et intérêts à tout-va ou même imposer que finalement les agriculteurs se fournissent uniquement auprès de lui, oubliant leurs propres semances (ça s'est vu). D'où une uniformisation des cultures et un retour au problème précédent.)<br /><br />En résumé, les OGM, c'est une sans doute super technique, ça pourrait peut-être nous aider dans certains cas, mais si c'est pour faire n'importe quoi avec, ne pas tester ce qu'on fait alors qu'on a fixé des moratoires depuis des années (et même jouer à perdre le bénéfice de milliers d'années de sélection agricole), ça n'est pas très glorieux.</p>http://www.brumedargent.net/index.php/post/2012/10/23/Un-mot-sur-l-affaire-Seralini#comment-formhttp://www.brumedargent.net/index.php/feed/atom/comments/3424Un éléphant dans le salon de la publication scientifiqueurn:md5:2392a543572050594ad30d862a0ab8712012-10-10T13:38:00+01:002012-10-10T13:38:00+01:00AquilegiaSciencespublication scientifiquesciencessociété<p>Il se passe parfois des choses incroyables. On est là, on s'imagine
qu'un système est bien rôdé, même s'il n'est pas parfait, on s'imagine
avoir à peu près compris comment ça marche. Et puis on découvre un
éléphant dans son salon le jour où quelqu'un met le doigt dessus. On se
rend compte qu'on était passé devant des centaines de fois sans le voir,
et... Bon, il serait peut-être temps de préciser de quoi je parle. Il
s'agit du mode de diffusion des publications scientifiques. </p> <p>Bon, pour faire simple, c'est, de bout en bout, un mécanisme foireux. C'est à dire qu'on a un groupe de recherche qui est payé par l'état (nous, donc). Il fait son boulot et décide d'en publier les résultats. Pour ce faire, il soumet un article à un journal à comité de lecture scientifique, afin que la validité et la pertinence de l'étude soient décortiquées et validée (ou non, mais dans ce cas, il n'y a pas de publication) par les pairs. Pairs qui sont, donc, d'autres chercheurs eux aussi payés, pour ce faire, par l'état (encore nous). Si le travail est validé, il se retrouve dans le journal scientifique en question, et sur internet. Inutile de dire que, pour ce faire, il faut, lors de la soumission, respecter au plus près les divers formatages techniques imposés par le journal en terme de police de caractères etc.</p>
<p>Donc là, on se dit, en toute bonne fois "Ok, on a payé des chercheurs pour faire leur article et pour l'évaluer, maintenant, est-ce qu'on peut le lire?" Et là... Ben non. Ou alors il faut encore payer. Et cher (de l'ordre de la trentaine d'euros par article), la plupart du temps, à moins que les chercheurs n'aient été publiés dans une revue spécifiquement ouverte comme les <a href="http://www.plos.org/">PLOS</a>. Sachant que pas un seul centime de ces ventes ne leur revient, et que je parle de vente d'exemplaires <em>numériques</em>. C'est dire combien l'abonnement au journal coûte... Lourd dans le budget d'une bibliothèque, municipale ou universitaire! Certaines, notamment aux État-Unis, sont carrément <a hreflang="fr" href="http://www.lemonde.fr/sciences/article/2012/04/25/harvard-rejoint-les-universitaires-pour-un-boycott-des-editeurs_1691125_1650684.html">parties en guerre contre ce système</a> et ont lancé une grande pétition intitulée "<a hreflang="fr" href="http://thecostofknowledge.com/">le coût du savoi</a>r".</p>
<p>Alors, outre les pétitions, il y a des chercheurs, heureusement, qui se battent au jour le jour contre ce système inique où ce qui appartient au public ne lui est pas accessible. Ils se battent pour qu'une clause de leur contrat d'édition leur permette de mettre leur travail en ligne sur leur site personnel par exemple ou sur des sites d'archives ouvertes, sans délai. Certains journaux aussi, comme les PLOS dont je parlais plus haut, mettent leur contenu sous licence ouverte. Il existe, ainsi, une part de moins en moins négligeable d'articles scientifiques libres et gratuits, comme tous devraient l'être. Partant de là, quand on sait qu'il existe un Institut de l'Information Scientifique et Technique, un organisme national, donc, public, on est en droit d'espérer qu'il rende un peu au public, justement, ce qui lui appartient de droit.</p>
<p>Sauf que, et voilà notre éléphant... non. Même les articles par ailleurs libres et gratuits, disponibles partout sur le net, sont... vendus, au prix de 47€ pour trois photocopies. La honte. On comprend la <a hreflang="fr" href="http://affordance.typepad.com//mon_weblog/2012/10/lettre-a-linist.html">lettre</a> rageuse qu'un maître de conférence a fait parvenir à l'INIST et publiée sur son blog. Ben oui, à tous les niveaux, on en a "un peu marre d'être pris pour des gogos".</p>http://www.brumedargent.net/index.php/post/2012/10/10/Un-%C3%A9l%C3%A9phant-dans-le-salon-de-la-publication-scientifique#comment-formhttp://www.brumedargent.net/index.php/feed/atom/comments/3422